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« C’est plus extrême, quand il y a une bagarre, les armes sortent parfois, et ça c’est nouveau » : le foot amateur, plus violent que jamais

Près de 15 000 matches par an sont le théâtre de comportements violents. Un fléau qui n’en finit plus de gangrener les stades partout en France.

Partout en France, des matches de football amateur sont émaillés de violences plus ou moins graves chaque week-end, que ce soit sur le terrain ou dans les tribunes, un fléau sur lequel butent les institutions et qui semble parfois s’être banalisé. C’est un phénomène qui gangrène la discipline mais que rien ne vient freiner.

Cette saison ne déroge pas aux précédentes : un jeune poignardé en marge d’un match de U20 en février à Dammarie-les-Lys, un jeune arbitre séquestré en avril dans les Hauts-de-Seine, trois arbitres agressés en Haute-Garonne en mars, des droits de retrait, des grèves d’arbitres dans plusieurs départements…

La liste, non exhaustive, est longue et témoigne de l’ampleur du défi lancé aux autorités et aux instances du football. « On est toujours sur un seuil d’environ 15 000 matches par an au cours desquels sont repérés des comportements qualifiés de violents, violents verbalement ou violents physiquement, explique le sociologue William Nuytens, professeur à l’université d’Artois. Et ce seuil de 15.000 matches est assez fixe dans le temps, depuis que l’on dispose d’un instrument de mesure des faits ».

Les arbitres victimes en première ligne

« Aujourd’hui malheureusement le sujet de la violence n’est pas localisé sur une région bien précise, on s’aperçoit qu’elle est présente malheureusement partout », constate amèrement le président de la ligue de football amateur, Claude Delforge. Le rôle des réseaux sociaux, qui servent de caisse de résonance, mais aussi la médiatisation à outrance de ces faits divers peuvent donner le sentiment d’une violence accrue.

Mais si le volume est fixe, c’est surtout la nature de ces incidents qui a évolué. « Il y a des changements, mais ces changements c’est quoi ? Ce sont des faits de violence qui concernent de plus en plus proportionnellement les catégories de jeunes, même si en volume ça reste les seniors qui sont les plus concernés par les comportements violents », explique le sociologue.

Il y a un vrai climat délétère, sans doute depuis ces 20 dernières années, je dirais même que ça s’est accentué depuis la fin du Covid

« C’est plus extrême, quand il y a une bagarre, les armes sortent parfois, et ça c’est nouveau », regrette un éducateur. Des règlements de compte comme celui de Dammarie-Les-Lys en Seine et Marne viennent parfois se greffer aux matches, « un peu le reflet de ce qui se passe dans la société », selon Claude Delforge.

Mais souvent, ce sont les arbitres qui paient le prix fort. « Il y a un phénomène qui est un peu plus inquiétant qui touche les arbitres », reconnaît le président de la LFA. Près de 250 agressions physiques touchant les arbitres sont recensées par saison ces dernières années, « dont la moitié fait l’objet de plaintes, mais c’est sans compter les agressions verbales », assure le président de l’Union nationale des arbitres de football (UNAF), Jean-Claude Lefranc.

Accentuation de la violence

« Il y a un vrai climat délétère, sans doute depuis ces 20 dernières années, je dirais même que ça s’est accentué depuis la fin du Covid », estime-t-il. « C’est un vrai combat. Parce que frapper le juge, c’est la négation du sport. Dans le temps, on pouvait retirer des points. Et ça, ça a été enlevé parce qu’on a peur du recours collectif. Il ne faut pas avoir peur », regrette-t-il.

Jouer, arbitrer, encadrer dans le monde du foot amateur, ça devient quelque chose d’éprouvant

Peu après l’onde de choc de Dammarie-les-Lys, la Fédération française de football (FFF) a décidé d’équiper les officiels de caméras GoPro, dans « 18 districts et cinq ligues » lors des rencontres sensibles, a précisé le président de la LFA, le dispositif ayant été testé visiblement avec satisfaction dans des districts « pilote ».

« Mais ça ne règlera pas la question », anticipe Jean-Claude Lefranc, qui s’interroge sur le coût d’une telle mesure. Les raisons pour tenter d’expliquer ce niveau de violence qui touche le football semblent multiples, une combinaison de crises qui s’installent dans le temps, entre la baisse drastique du nombre d’arbitres passés de plus de 26 000 à 21 000 en quelques années, la baisse aussi des bénévoles dans les clubs de football. « Un cocktail qui transforme l’épreuve sportive, classique, en une épreuve sociale. Jouer, arbitrer, encadrer dans le monde du foot amateur, ça devient quelque chose d’éprouvant », estime William Nuytens.

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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