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DÉCRYPTAGE. Girondins de Bordeaux : Kahn, un retrait pas si inattendu qui laisse le champ libre à Lopez

Le duel attendu n’aura pas lieu. Gérard Lopez et Oliver Kahn auraient pu se trouver face à face, le 13 juin, au tribunal de commerce, pour que chacun défende son plan pour les Girondins de Bordeaux. L’ancien gardien allemand s’était publiquement dévoilé en février et avait transmis une lettre d’intention lundi dernier. Il s’est finalement retiré de la course, ce lundi en fin de journée, laissant la voie libre à l’homme d’affaires, propriétaire depuis 2021 du club aujourd’hui en National 2 et en redressement judiciaire.

Dans son communiqué, l’ex-président du directoire du Bayern Munich (2021-2023) explique que lui et ses investisseurs ont « choisi de ne pas engager les quelque 50 millions d’euros prévus dans (leur) plan » après avoir consulté les « informations financières, opérationnelles et juridiques ». La data room, réclamée depuis plusieurs mois et finalement ouverte par les administrateurs judiciaires du club, les a donc dissuadés d’aller plus loin. La documentation mise à disposition aurait été particulièrement incomplète.

« Non-événement »

Le projet Kahn consistait à poser 15 millions cash sur la table dès cet été pour reprendre le club (la somme aurait remboursé les créanciers par ordre de privilèges, c’est-à-dire le fonds Fortress et l’État, et les 80 millions d’euros de dette restante auraient été écrasés). Puis à injecter 35 millions au cours des cinq années suivantes pour viser un retour en Ligue 1 à horizon 2030. Lopez, lui, annonce que le club paiera 26 millions d’euros de dettes sur onze ans, avec là aussi un retour parmi l’élite en 2030.

Du côté de Gérard Lopez, on n’a eu de cesse de pointer le vide du dossier Kahn et d’y voir une basse manœuvre de déstabilisation pour inciter le tribunal de commerce à retoquer le plan de continuation afin de placer un nouveau propriétaire à la tête du club. Dans le sillage de l’avocat Laurent Cotret, selon qui le projet de Kahn était de toute façon « hors-jeu », l’entourage de l’Hispano-Luxembourgeois évoquait lundi soir un « non-événement » à propos du retrait de l’Allemand.

Un club invendable

Même dans sa lettre au tribunal de commerce, Kahn n’avait pas dévoilé son jeu. Avait-il vraiment des cartes en main ? Les juges ont noté qu’il n’avait pas indiqué qui finançait son opération (un fonds suisse), encore moins fourni de preuve de fonds, ni précisé ce qu’il reprenait ou non du club. Il avait adjoint six conditions suspensives à son offre préliminaire. En temps normal, ils n’auraient même pas donné suite. Mais ils ne pouvaient pas se permettre d’écarter un tel candidat dans un dossier aussi sensible.

Kahn, qui avait deux semaines pour améliorer son offre, aura au moins pu faire savoir qu’il compte reprendre un club et que son renoncement à Bordeaux n’est pas de son fait. Il se serait de toute façon heurté à un obstacle difficile, voire impossible, à franchir. Un plan de cession implique un risque de rétrogradation administrative. Les textes de la Fédération sont trop flous pour y voir clair, mais l’incertitude existait et le Comité exécutif de la FFF, décideur en la matière, n’aurait jamais pu lui promettre un maintien en N2.

Il apparaît que le FCGB est un club invendable. Parce que le règlement fédéral est dissuasif. Parce que Gérard Lopez ne veut pas céder. Et parce que l’opération nécessiterait un apport financier considérable, irrationnel, de plusieurs dizaines de millions d’euros. Bordeaux est une marque, mais vaut-elle vraiment une telle somme en partant de la quatrième division, alors que les perspectives du foot professionnel français sont sombres, notamment en matière de droits TV ?

Lopez grand gagnant

Gérard Lopez, lui, ressort comme le grand gagnant de cette séquence. Lesté d’un bilan catastrophique à tous les niveaux, unique responsable de la chute des Girondins au niveau amateur, il s’est mis en position d’être le seul à pouvoir et vouloir signer les chèques. Il s’est ainsi engagé à payer les 10 à 12 millions d’euros nécessaires cet été, entre 33 et 69 millions au total sur onze ans. Un prix colossal pour ne pas perdre ses 52 millions déjà engloutis. À Bordeaux, sauf mécène tombé du ciel, ce n’est pas Lopez ou un autre propriétaire, mais Lopez ou la liquidation.

Les 400 créanciers des Girondins ont jusqu’au 12 juin pour se prononcer sur sa proposition de remboursement. Sur les 15 classes constituées, la majorité devrait être favorable au plan. Charge ensuite au tribunal de commerce d’apprécier la stratégie, le financement et les garanties avancées par Gérard Lopez et son équipe. Sa décision interviendra dans la dizaine de jours suivante. Oliver Kahn, lui, sera loin de tout ça.

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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