ENTRETIEN. Coupe de France : « C’est une belle finale pour Reims car le club se bat pour survivre », confie Carlos Bianchi, mythique attaquant de Reims et du PSG
Entre le Stade de Reims et le PSG, son cœur balancera, samedi 24 mai, à l’occasion de la finale de la Coupe de France (en direct à 20h40 sur France 2 et france.tv). À 76 ans, Carlos Bianchi – qui vit toujours entre Buenos Aires et Paris – garde un œil attentif sur le football français, et notamment sur ses deux anciens clubs. Auteur de 139 buts en cinq saisons avec le Stade de Reims (1973-1977, puis 1984-1985), et de 71 buts en deux ans au PSG (1977-1979), l’Argentin rêve d’une victoire du Stade de Reims, lui qui était blessé lors de la dernière finale de Coupe du club marnais, en 1977, perdue face à l’AS Saint-Etienne.
Vous avez joué huit ans puis entraîné cinq saisons en France. Est-ce vous suivez toujours le football français ?
Carlos Bianchi : Ah oui, toujours ! Même si je ne vis plus le football à 1000%. J’ai pris ma retraite il y a dix ans, et depuis je me consacre à ma famille. Je veux vivre d’autres choses que le football, auquel j’ai déjà donné beaucoup d’années de ma vie. Mais je regarde encore quelques matchs, notamment du Stade de Reims. Et si je peux aller au stade, j’y vais. Même si le championnat français a moins d’intérêt, je trouve, parce que c’est trop facile pour le PSG. Paris sait qu’il va être champion avec 15 points d’avance avant le début de la saison. Donc je regarde les grandes affiches, et quelques matchs des Rémois.
« Sans incertitude, le football ne m’intéresse plus, et les matchs du PSG manquent d’incertitude. Paris a été champion de France 11 fois en 13 ans, bon… Quand vous démarrez une compétition et que vous savez que vous ne pouvez pas la gagner, ça fait chier. »
Carlos Bianchi, ancien attaquant de Reims et du PSGà franceinfo: sport
La finale de la Coupe de France va opposer deux de vos anciens clubs : le PSG et le Stade de Reims. Ça vous fait plaisir ?
Oui, ça fait quelque chose ! Mais je dois vous avouer quelque chose : je ne pourrais même pas la regarder, je serai dans l’avion pour l’Argentine ! Je n’ai pas essayé de changer de vol, parce que le football n’est plus la chose la plus importante de ma vie. Mais ça me fait vraiment plaisir de voir le Stade de Reims en finale de la Coupe de France, surtout contre Paris.
Votre cœur va pencher d’un côté ?
J’ai beaucoup plus d’attaches avec le Stade de Reims qu’avec le PSG. Ma belle-fille et mes deux petits-fils sont Rémois. J’y ai passé neuf ans en tant que joueur puis entraîneur. Et le PSG que j’ai connu n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Cette finale, c’est beau pour Reims, parce que c’est un club qui doit se battre pour survivre, alors que pour Paris c’est normal. Reims a du mérite ! Vous savez, ce n’est pas pareil d’être le fils d’un ouvrier que d’un milliardaire. Et ça fait longtemps que Reims attendait cela, parce que les dernières épopées, c’était quand j’étais entraîneur avec les demi-finales en 1987 contre Marseille, et en 1988 contre Metz.
Votre histoire avec Reims a commencé en 1973. À l’époque, le Real Madrid et le FC Barcelone vous faisaient les yeux doux, mais vous avez quitté la banlieue de Buenos Aires pour le Stade de Reims. Pourquoi ?
Le Real Madrid et le FC Barcelone m’ont contacté, c’est vrai, et je n’avais rien signé avec le Stade de Reims. Mais j’avais donné ma parole à Reims, donc pour moi, c’était comme si j’avais signé un contrat. Donc je suis allé à Reims, qui voulait remplacer Delio Onnis, qui est parti trois mois après à Monaco. En 1973, en Argentine, on ne connaissait pas vraiment le football français. Je connaissais l’histoire du Stade de Reims avec Kopa et Fontaine, mais je ne savais même pas où était Reims sur une carte. Je suis arrivé en plein été, donc la météo ça allait. La seule différence, c’est que mon quartier de Buenos Aires faisait 250 000 habitants, contre 150 000 habitants à Reims. C’était une petite ville pour moi !
Une petite ville où vous avez finalement vécu neuf ans, dont cinq comme joueur, avant d’y revenir comme entraîneur.
Oui, et c’était difficile, parce qu’on était loin de l’Argentine. On se réveillait tôt le dimanche matin pour pouvoir passer un appel international, pour avoir des nouvelles. C’était beaucoup plus dur aussi de changer de pays, de société à l’époque. Et puis on ne pouvait rentrer qu’une fois par an en Argentine. On mettait dix-huit heures pour faire Reims-Buenos Aires. Mais ça nous a formés comme famille, il a fallu apprendre la culture, la langue. Ça donne de la personnalité, du caractère, d’apprendre à se débrouiller dans un autre pays dans les années 1970.
Vous avez réussi à finir trois fois meilleur buteur de Division 1 avec Reims, mais sans gagner de trophée. C’est un regret ?
À l’époque, déjà, le Stade de Reims n’avait pas les moyens économiques des grandes équipes du moment : Marseille, Saint-Etienne, Nantes, Monaco… Mais on arrivait à finir dans les six premiers, c’était déjà bien. Vous savez, le bon Dieu fait bien les choses : il m’a donné ensuite, en tant qu’entraîneur, ce que je n’ai pas eu en tant que joueur. Entraîneur, j’ai été sept fois champion d’Argentine, quatre fois champion d’Amérique du Sud, et trois fois vainqueur de la Coupe du monde des clubs…
« Je suis le seul entraîneur qui a gagné trois fois la Coupe du monde de clubs avec Carlo Ancelotti ! J’ai été récompensé comme entraîneur, pas comme joueur, c’est comme ça. »
Carlos Bianchià franceinfo: sport
Vous n’avez pas gagné de trophée avec le Stade de Reims, mais vous avez quand même marqué le club. À la boutique officielle, on peut encore s’offrir votre maillot de 1977, et vous avez même un stade à votre nom. Êtes-vous conscient de la place que vous occupez dans le cœur des supporters rémois ?
Je me rends compte que j’ai laissé une empreinte à Reims et en France ensuite avec le PSG. J’ai bien profité sur le moment, c’est ça le plus important que de rester dans l’histoire. Même si c’est agréable d’avoir marqué le championnat de France, puis chez moi en Argentine où j’ai aussi fini trois fois meilleur buteur. J’ai gagné des titres en Argentine comme joueur puis entraîneur, c’est un plaisir qu’il faut vivre sur le moment. Ça fait plaisir d’avoir un stade en France à mon nom. Dès que je reviens, j’essaye de passer à Reims pour déjeuner. J’y vais tous les ans, j’y ai encore beaucoup d’amis. Je vais moins au stade, maintenant.
Reims va disputer sa première finale de Coupe de France depuis celle de 1977, perdue face à Saint-Etienne, que vous n’aviez pas pu jouer parce que vous étiez blessé…
C’était difficile. En demi-finale, contre Nice, le défenseur adverse m’a cassé deux côtes, et il a fait exprès ! C’était Zambelli. Il m’a mis un genou en pleine poitrine à la dernière minute, pour rien ! J’ai eu un pneumothorax, je suis resté alité deux semaines sans pouvoir bouger. C’était difficile, parce que cette année-là j’avais marqué 10 buts en Coupe de France, et je n’ai pas pu jouer cette finale contre Saint-Etienne. C’est le destin… C’était difficile d’exister contre le Saint-Etienne de l’époque.
Vous imaginiez alors qu’il faudrait attendre quarante-huit ans pour revoir Reims à ce niveau ?
Non… Mais je suis quelqu’un d’optimiste. Il faut toujours y croire, et l’histoire finit toujours par se répéter. Je l’ai souvent dit chez moi en Argentine, à mon club de Vélez, qui est un quartier de Buenos Aires avec lequel on a été champion d’Amérique du Sud et du monde. Ça a été plus compliqué depuis trente ans, comme pour Reims. Mais l’histoire se répète, les grands clubs reviennent toujours. Le Stade de Reims a attendu longtemps, mais ça vaudra peut-être le coup ! Gagner contre Paris, pourquoi pas ? Le Stade de Reims doit y croire, une finale c’est toujours à 50-50. Il faut y croire !
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