Football : La honte, le joueur du FC Nantes Mostafa Mohamed refuse de nouveau de jouer lors de la journée de lutte contre l’homophobie – L’Humanité
Pour la cinquième année consécutive, le dernier acte de la saison de Ligue 1 sera placé sous le signe de la mobilisation contre les violences et la discrimination envers les personnes LGBTI, à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, samedi 17 mai. Si cette opération, mise en place par la Ligue de football professionnel (LFP), est suivie par l’ensemble des clubs et des joueurs, il y a, chaque saison, un ou deux footballeurs qui refusent de s’y associer et de porter le badge arc-en-ciel « Non à l’homophobie » floqué sur les maillots.
Le Nantais Mostafa Mohamed a indiqué son refus de jouer ce match décisif de la 34e journée pour le maintien de son club en L1 contre Montpellier. L’attaquant international égyptien est un récidiviste, puisqu’il avait déjà refusé de jouer les rencontres de la journée de mobilisation contre l’homophobie lors des deux dernières saisons. À chaque fois, le FC Nantes lui avait infligé une amende, reversée ensuite à SOS Homophobie. Le club fera de même cette année.
Des « valeurs » liées « à [s]es origines »
Le joueur, qui s’était fait porter pâle, a finalement justifié son refus, ce vendredi, mettant fin à 24 heures d’hypocrisie. Lors de la conférence de presse du FC Nantes, à 48 heures du match décisif, l’entraîneur nantais, Antoine Kombouaré, avait invoqué une blessure du joueur pour expliquer son absence à l’entraînement du matin. « Euh… petit souci musculaire », a-t-il lancé, manifestement gêné.
Alors que cette mascarade ne faisait guère de doutes, étant donné ses positions depuis plusieurs années, Mostafa Mohamed, 27 ans, a donc donné, ce vendredi, les raisons de son absence sur le réseau social Instagram. « Certaines valeurs profondément ancrées, liées à mes origines et à ma foi, rendent ma participation à cette initiative difficile », argumente, dans un message rédigé en arabe puis en français, celui qui a inscrit 5 buts en 30 matchs joués (zéro passe décisive) cette saison.
Le joueur, sélectionné 47 fois en équipe d’Égypte (13 buts), estime que son refus d’y prendre part « n’exprime ni rejet ni jugement, seulement une fidélité à ce qui me construit ». Et d’ajouter : « Chacun porte en lui une histoire, une culture, une sensibilité. Vivre ensemble, c’est aussi reconnaître que cette diversité peut s’exprimer de manière différente selon les personnes ».
Quinzième et premier non relégable, le FC Nantes (33 points) a besoin d’un point lors de cette ultime journée pour être assuré de jouer en L1 l’an prochain sans dépendre du résultat du Havre (31 points), 16e et barragiste virtuel, qui se déplace à Strasbourg.
L’année dernière, au-delà du cas Mostafa Mohamed, un autre joueur avait protesté contre la journée de lutte contre l’homophobie. La LFP avait suspendu pour quatre matchs le milieu de terrain malien de l’AS Monaco, Mohamed Camara. Ce dernier avait masqué le logo arc-en-ciel de l’opération sur son maillot avec du sparadrap blanc et s’était étiré à part pour ne pas figurer sur la photo protocolaire au stade Louis-II.
Sensibiliser les jeunes dès l’école
Jonathan Clauss, lui, n’a pas hésité à prendre à la parole dans le journal l’Equipe de ce vendredi 16 mai. Le latéral de l’OGC Nice (3 buts, 8 passes décisives en 27 matchs joués) regrette que l’homosexualité soit encore tabou dans le football français. « Certains joueurs, qui ne veulent pas entendre parler d’homosexualité, se disent : “Si j’accepte, on va penser que…” Mais moi, je m’en fiche complètement », explique-t-il.
Pour faire évoluer les mentalités, l’ancien joueur de Lens et de l’OM pense qu’il faut en parler aux jeunes « dès l’école ». « Sensibiliser un groupe pro, c’est presque déjà trop tard », souligne l’international français. Il confie être à l’aise sur le sujet contrairement à beaucoup de joueurs. « J’ai commencé à côtoyer des personnes homosexuelles dans mon entourage à partir de mes 19-20 ans, à un âge où les gens sont un peu moins “cons” et enfants, explique le joueur de 32 ans. Ça ne m’a jamais dérangé, ça ne change rien à la relation amicale que j’ai avec la personne. Après, je ne sais pas si j’ai côtoyé des joueurs gays dans mes équipes, parce que personne ne l’a dit. »
Dans son entretien au quotidien sportif, Jonathan Clauss déplore ce tabou. « S’il y a des joueurs homosexuels, ils se cachent, regrette-t-il. J’aimerais que l’annonce du coming out d’un joueur n’ait aucun impact, que ce soit positif ou négatif, sur son vestiaire, mais je pense que je ne serai plus là pour le voir. Si un joueur se sent à l’aise, il doit pouvoir le faire. »
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Auteur : Nicolas Guillermin
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