Football : « Rani Assaf est prêt à vendre le club », les vérités de Jean-Jacques Bourdin, le président d’honneur de Nîmes Olympique
Après la troisième descente en quatre ans, le président d’honneur de Nîmes Olympique prend la parole pour le club, pour Rani Assaf… et pour Midi Libre. Et lance un appel aux décideurs locaux.
Vous êtes président d’honneur du club. Ne ressentez-vous pas aujourd’hui du déshonneur après la relégation du club en National 2 ?
Tout d’abord, si je prends la parole, c’est que l’on ne peut passer sous silence un événement d’une telle tristesse. Moralement, je me sentais dans l’obligation de m’exprimer. Je le fais, ce n’est pas évident, mais il faut assumer. Car un échec, ça s’assume. Je me sens malade pour le club, pour toutes celles et ceux qui travaillent pour lui. Je pense aux administratifs, aux entraîneurs, aux jeunes. Aujourd’hui, je ressens de la tristesse, de la colère et de l’espoir.
Pourquoi n’est-ce pas Rani Assaf qui s’exprime ?
Il ne souhaite pas le faire pour l’instant. Il attend le passage devant la DNCG (direction nationale du contrôle de gestion, NDLR) dans les prochaines semaines, pour savoir précisément où en est le club financièrement.
Comment le club a-t-il pu passer en cinq saisons du rêve de la Ligue 1 au cauchemar du National 2 ? Qu’est-ce qui a été mal fait pour en arriver là ?
Les responsabilités sont multiples, et l’échec collectif. Le premier responsable, c’est Rani Assaf, et je m’englobe dedans parce que je n’ai pas été assez lucide pour tenter de l’avertir sur certaines choses. Mais il n’est pas le seul. Il a été abandonné par les responsables politiques, une partie des Nîmois, Julien Plantier et la municipalité qui l’ont laissé en rase campagne. Et il s’est mis en recul.
Il s’est fâché avec les supporters qui, pour certains, n’ont pas vraiment montré qu’ils aimaient leur équipe en ne la soutenant pas au stade, même s’ils n’aimaient pas le président. Et puis il y a la responsabilité des joueurs successifs, qui n’ont pas défendu le maillot comme il le fallait. Un maillot, et celui de Nîmes, ça se défend, et il y avait cette impression qu’ils n’avaient pas conscience de la situation.
Et comment Rani Assaf en est-il arrivé là, à un tel désintérêt pour le club, jusqu’à laisser pourrir la situation, presque le prendre en otage ?
D’abord, contrairement à ce que tout le monde pense, il n’est pas arrivé à Nîmes Olympique pour une opération immobilière mais parce que c’est un vrai passionné de foot, même s’il s’en cache. Je vous l’assure, il a appris à aimer le club, son esprit. Je l’ai vu verser des larmes le soir de la montée en Ligue 1. C’était son premier grand succès hors de sa vie professionnelle.
Et puis il a rêvé d’un très beau projet qui était le projet de sa vie. Et pas qu’un projet immobilier : c’était un grand projet pour le club, la ville, la région, avec, à la clé, des milliers d’emplois. Il était persuadé que la réussite de son projet, c’était la réussite de Nîmes Olympique, et vice-versa. Les deux étaient imbriqués.
De l’échec de ce projet sont nés sa déception, sa colère et son désintérêt, au point de ne plus vouloir entendre parler d’une ville et d’un club dont il est propriétaire, ce qui peut paraître incroyable. Mais il faut se mettre dans sa tête : c’est un introverti, un sensible, qui a sauvé le club en 2015, qui lui a coûté beaucoup, entre 10 et 15 M€, les avant-projets pour le futur stade, plus celui des Antonins (11M€), et il s’est parfois senti traité comme un étranger. Il n’a pas compris les Nîmois et ils ne l’ont pas compris.
Quand même, il n’y a pas mis du sien, par exemple en termes de communication, et surtout en renonçant à l’agrément du centre de formation…
C’était une erreur. Mais je rappelle qu’il était prêt à construire un nouveau centre d’entraînement pour le club. Je peux en témoigner, il a visité des terrains, dont deux qui l’intéressaient, du côté de Manduel-Marguerittes et de Garons. Là aussi, il voulait pérenniser Nîmes Olympique. Mais il n’a pas été soutenu par certains, et je ne manquerai pas, quand il le faudra, de rappeler les responsabilités de chacun. Au passage, je précise qu’on a lui a prêté des intentions politiques (de candidature, NDLR), alors que ce n’était absolument pas le cas.
Désormais, il ne semble pas avoir non plus d’intentions sportives. Que va-t-il faire ?
Aujourd’hui, après le passage à la DNCG, il est prêt à vendre le club. Si un repreneur se présente avec un projet sérieux, il vendra.
Mais à combien ? On a parlé de 10M€, en incluant le stade des Antonins…
Si le projet est sérieux, tout est possible. Rani Assaf est prêt à faire des efforts. Il y a des solutions à trouver, des délais de paiement… Il faut trouver une solution de reprise, accompagnée par les instances locales et régionales, qui doivent se rassembler pour préparer l’avenir. Arrêter avec les rancœurs et les querelles.
Pour les Antonins, il y a une discussion à avoir avec lui, il est ouvert à tout. Le bail de location peut être prolongé le temps de rénover les Costières. Quand je vois comment ce stade est laissé à l’abandon. C’est invraisemblable de le voir transformé en terrain vague. Dans quelle autre ville en France voit-on ça ?
Des négociations sont-elles en cours pour une vente ?
Pour l’instant, non. Toutes les rumeurs de reprise qui ont été évoquées sont sans fondement. Aucune négociation sérieuse, aucun repreneur sérieux ne s’est présenté. On ne croit pas à un repreneur étranger miracle à 20M€. On privilégie les pistes locales et régionales. On ne reconstruira Nîmes Olympique qu’à partir de son identité. Il faut retravailler sereinement avec l’association et le centre de formation.
« Je lance un appel. Ce peut être un repreneur ou plusieurs »
Je lance un appel à tous les chefs d’entreprise pour aider à sauver ce club. C’est une marque forte, connue partout. Ce peut être un repreneur ou plusieurs. D’autres clubs se sont relevés, Bastia, Strasbourg, Reims, avec des repreneurs locaux. On a déjà perdu le statut pro, on l’a récupéré, on le récupérera.
Il y a aussi le risque que Rani Assaf dépose le bilan, même si les comptes ne sont pas si mauvais…
Sincèrement, je ne le vois pas déposer le bilan. Je ne crois pas qu’il le fasse. On peut lui faire beaucoup de reproches, mais pas celui d’être un gestionnaire extrêmement rigoureux. Aujourd’hui, il n’a qu’une envie, que quelqu’un reprenne le club, et il tournera la page.
Et que pense-t-il de la descente de cette saison ?
Il est déçu, il en veut à tout le monde et, inconsciemment, je pense qu’il s’en veut à lui-même. Et aux joueurs, dont la passivité a été insupportable. Mais Bernard Blaquart a aussi raison quand il dit que ne pas leur donner de perspectives ne les a pas aidés. Eux et le DS (Sébastien Larcier, directeur sportif) ont été livrés à eux-mêmes. Le coach ? Adil Hermach était attachant, et il est mort avec ses idées.
Il y a maintenant une équipe à reconstruire. Qui est susceptible de rester ?
C’est un peu tôt pour répondre à cette question. Mais il va falloir changer beaucoup de choses…
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