On a lu et aimé « Kylian » d’Anne Akrich, une prête-plume dépressive sur les traces de Mbappé
Afin de combler ses découverts, Anne, surendettée et poétiquement harcelée par son banquier, accepte à contrecœur la commande de son éditeur : une biographie sur l’enfance de l’icône du ballon rond afin de combler ses découverts : « Contrairement aux idées reçues, le problème que se pose avec le plus d’acuité à l’écrivain n’est pas le style, mais l’argent. Pas la langue, mais l’oseille. »
La jeune femme alerte néanmoins son éditeur : « Tu sais que j’en connais à peu près autant sur le football que sur l’architecture des Ostrogoths du haut du Moyen-Âge. » Un aveu qui donne le ton de cette chronique déjantée et subtilement profonde : l’autodérision, chez Anne Akrich, prend toujours en écharpe une lucidité triste. C’est là son charme.
Cette ghostwritteuse, récemment divorcée d’un auteur à succès, sombre peu à peu, tiraillée entre les injonctions de son métier d’autrice et celles tout aussi chronophages de mère célibataire. À force de prêter voix aux autres, elle a perdu la sienne. Dès lors, l’imposture envahit tout. Sa vraie personne n’est plus là, dans ce combat amoureux avec les mots, d’où peut naître la lumière. Elle va jusqu’à demander à l’IA de rédiger la biographie à sa place. S’en suit une dégringolade sévère : alcoolisme, dépression, psychanalyse et séjour à Sainte-Anne. « Ce soir-là, j’avais bu jusqu’à changer de groupe sanguin. »
Kylian Mbappé érigé en véritable guide spirituel.
THOMAS KIENZLE/AFP
Un cocktail explosif
Finalement, accompagnée de son fils Gabriel, elle va se rendre à Bondy, la ville natale de Kylian Mbappé. Elle n’interroge aucun des proches du footballeur mais, afin de cerner au plus près la réussite du « demi-dieu ailé », elle s’imprègne de ses discours et l’érige en véritable guide spirituel. N’en dévoilons pas plus.
L’écriture d’Anne Akrich est un véritable cocktail explosif mêlant joyeusement humour noir acerbe et punchlines bien senties. Incisive et percutante, avec des répliques qui fusent comme des balles, elle nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne. C’est si bon de rire, y compris et surtout de soi-même.
« Kylian », d’Anne Akrich, éd. Gallimard, 208 p., 20 €, ebook 14,99 €.
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