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RECIT. Coupe de France : une finale tant attendue qui tombe au pire des moments pour le Stade de Reims, menacé de relégation en Ligue 2

Pour la première fois depuis 48 ans, le Stade de Reims dispute la finale de Coupe de France, samedi 24 mai face au Paris Saint-Germain (à 21 heures en direct sur France 2 et france.tv). Un rendez-vous historique pour le club, qui devait marquer le retour au premier plan du premier géant du football français, six fois champion de France (1949, 1953, 1955, 1958, 1960, 1962), double vainqueur de la Coupe de France (1950, 1958), mais aussi deux fois finaliste de Ligue des champions (1956, 1959). Sauf que le Stade de Reims est aujourd’hui au bord du précipice.

Seizième de Ligue 1 sur le gong, le club champenois jouera sa survie lors du barrage retour à domicile face au FC Metz jeudi, après avoir accroché le nul (1-1) à l’aller mercredi, en Lorraine. Si bien que cette finale de Coupe de France n’est plus la rencontre la plus importante de la semaine, ni de la saison, pour les Champenois, selon leur coach, Samba Diawara : « Évidemment que jouer une finale de Coupe de France ça compte, mais ce qui compte le plus pour le club, c’est de se maintenir en Ligue 1. Même si c’est évident qu’on ne va pas bâcler la finale, parce que ça compte dans une carrière. »

Chez les supporters, en revanche, le débat penche plutôt du côté de la finale. « On redoutait ce scénario avec des émotions contraires sur quelques jours, mais je préfère 1000 fois gagner la finale et descendre. Ce serait une émotion inégalable », tranche Damien, fidèle abonné, qui refuse d’imaginer voir une équipe bis alignée face au PSG. 

« On ne peut pas faire l’impasse sur la finale, on n’a plus rien gagné depuis 1962 ! Cette finale, c’est une récompense pour tout le monde, après des années de galère pour le club. »

Damien, supporter rémois

à franceinfo: sport

Même si l’avenir en Ligue 1 du Stade de Reims est menacé, pour les Champenois, venir au Stade de France représentait l’aboutissement d’une reconstruction de 25 ans. Abonnée depuis dix ans, Nathalie ajoute : « On est inquiet pour l’avenir du club, et sans être fixé sur cet avenir, on doit aller faire la fête au Stade de France. C’est particulier, mais il faut rester soudés. L’heure est à la mobilisation ». Une union sacrée appelée de ses vœux par le club, qui, dans cet esprit, a annulé une soirée spéciale réservée aux abonnés, mais aussi le voyage à vélo du président Jean-Pierre Caillot entre la cité des sacres et le Stade de France.

Si le président du Stade de Reims avait fait ce pari cycliste, c’est parce qu’à ses yeux, comme pour beaucoup, aller au Stade de France symbolisait, plus encore que le retour en Ligue 1 en 2012, l’aboutissement de la longue reconstruction d’une institution au glorieux passé. Premier géant du football français avec ses deux finale de Coupes d’Europe des clubs champions (1956 et 1959) et ses six titres de champion de France, le club champenois avait en effet peu à peu disparu des radars depuis la fin des années 1970, avant de frôler la disparition en 1992 après deux liquidations en moins d’un an, et onze saisons en Ligue 2.

Le Stade de Reims était alors relégué en sixième division. Trente ans après son sixième titre de champion de France (1962), Reims perdait son statut professionnel, et même l’ensemble de ses trophées, vendus aux enchères à Alain Afflelou (qui les rétrocédera au club pour un franc symbolique en 1996) pour amortir cette chute vertigineuse. Ruiné, le club champenois survit alors grâce au soutien d’entreprises locales. Parmi elles : l’entreprise de transports de Jean-Pierre Caillot, tout juste honorée du titre de meilleur transporteur de France en 1993.

« Je mets un orteil au Stade de Reims, par passion, c’était presque du mécénat », écrit Jean-Pierre Caillot dans son autobiographie. « Quand tu gagnes ton argent sur ton territoire, il n’est pas illogique de faire un retour », ajoute celui qui se décrit comme « amoureux transi du club de la cité des sacres », son « fief ». Une idylle qui remonte à la dernière période dorée du club en Ligue 1, dans les années 1970, quand les stars argentines Delio Onnis puis Carlos Bianchi permettaient au Stade de tutoyer les sommets de la Ligue 1. À l’époque jeune attaquant au Stade de Reims, il se rêve lui aussi avant-centre, « plus que président… »

Ramené à la réalité par ses limites footballistiques, c’est donc en tant que sponsor que le transporteur rémois s’implique, avant de troquer cette casquette pour celle de dirigeant en 2001. D’abord vice-président, il devient président délégué en 2003 puis président en 2004. « Le Stade de Reims a existé avant moi, mais quand j’arrive, il n’y a plus rien : pas d’infrastructure, pas de cellule de recrutement, ni de centre de formation. On occupait deux petits bureaux où on n’avait même pas la place de rencontrer joueurs, agents ou partenaires », se souvient Jean-Pierre Caillot, qui recevait alors dans ses bureaux de transporteur.

« C’était un club amateur qu’il a fallu construire pierre après pierre. »

Jean-Pierre Caillot, président du Stade de Reims

dans son autobiographie

Sans centre d’entraînement, sans siège social, et locataire d’un stade pas rénové depuis sa construction en 1934, Reims s’entraîne aux quatre coins de la cité, sur des terrains parfois bordés par des algecos en guise de vestiaire. Malgré ce contexte, le club enclenche alors son renouveau. Entre 2004 et 2009, les Champenois s’installent en Ligue 2, alors que la municipalité érige un nouveau stade. Pour les Rouge et Blanc, tous les voyants sont au vert, notamment après leur épopée jusqu’en demi-finale de Coupe de la Ligue en 2007.

À tel point que le club vise la montée en Ligue 1 lors de la saison 2008-2009. Résultat ? Une redescente au troisième échelon national, après une saison cauchemardesque malgré l’intérim médiatique de Luis Fernandez, sur le banc. Le coup est dur, mais les Champenois remontent immédiatement en Ligue 2. Mieux encore : alors qu’il prône la patience, le club termine sur le podium deux ans plus tard à peine, synonyme de montée en Ligue 1. Trente-trois ans après, Reims est de retour dans l’élite. 

Les Rémois fêtent la montée du club en Ligue 1 le 19 mai 2012, après 33 ans d'attente. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Les Rémois fêtent la montée du club en Ligue 1 le 19 mai 2012, après 33 ans d’attente. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Mais cette montée s’accompagne d’un départ : Olivier Létang, discret architecte de cette reconstruction depuis 2006, quitte alors Reims pour le PSG. Devenu ensuite président du Stade rennais et du Losc, il était l’homme de confiance de Jean-Pierre Caillot. Malgré ce coup dur, le club se maintient dans l’élite pendant quatre saisons. Et se structure petit à petit avec une cellule de communication, une cellule de recrutement, et surtout la construction d’un centre d’entraînement et de formation, achevé en 2014. « C’est le point de départ de toute la suite de notre stratégie de développement« , explique Jean-Pierre Caillot. Pionnier du football féminin dans les années 1970, le club relance une section féminine, soucieux de faire honneur à son histoire.

« On ne vit pas dans le passé, mais c’est important d’en avoir un. »

Jean-Pierre Caillot, président du Stade de Reims

De 2012 à 2016, le club se stabilise en Ligue 1, mais le départ d’Hubert Fournier pour l’Olympique lyonnais en 2014 fragilise l’équilibre. À tel point que, deux ans plus tard, les Rémois redescendent en Ligue 2, alors même que l’équipe a mis en place son projet « Horizon 2020 », qui prévoit une stabilisation dans le top 10 de Ligue 1, et une participation à terme à la coupe d’Europe. Après avoir frôlé la remontée directe en Ligue 1, les Champenois y font leur retour en 2018, après une saison record en Ligue 2 (plus grand nombre de points, le plus grand nombre de victoires, plus grand nombre de buts inscrits…).

L’équipe dirigeante change alors de braquet. Nouveau directeur général du club, Mathieu Lacour met en place une politique sportive, inspirée de l’Ajax Amsterdam. « On tente de devenir un club de développement pour futurs joueurs de très haut niveau », résume le président, enfin délesté de la partie recrutement. Pour cela, Reims transforme notamment son équipe réserve en groupe Pro 2 : « C’est une équipe transitoire de haut niveau entre nos équipes jeunes et l’équipe première pour permettre l’acclimatation, la connaissance de nos philosophies de jeu, et le développement personnel du futur membre du vestiaire pro », détaille-t-il.

Sept ans plus tard, cette formation a porté ses fruits pour un club capable de dénicher des talents comme Hugo Ekitike, Axel Disasi, Edouard Mendy, Boulaye Dia ou plus récemment Valentin Atangana, tous formés ou post-formés dans le centre de vie Raymond Kopa. Co-pilotée par Pol-Edouard Caillot, fils du président et jeune directeur sportif, cette politique a fait du Stade de Reims l’un des clubs français les plus équilibrés financièrement. 

Un modèle de trading qui a toutefois ses limites. Ainsi, en janvier 2025, dans le contexte de crise lié aux droits TV, le club a dû vendre deux cadres : Marshall Munetsi et Emmanuel Agbadou. De quoi faire entrer 40 millions d’euros dans les caisses, mais surtout affaiblir un effectif très jeune, qui n’a ensuite pas su gérer la lutte pour le maintien, jusqu’à finir seizième et barragiste.

Cette politique sportive a toutefois aussi permis aux Champenois de briller sur le terrain. Avec sept saisons de rang en Ligue 1, le Stade de Reims reste sur sa plus longue présence ininterrompue dans l’élite depuis les années 1970 (neuf saisons entre 1970 et 1979, dix-neuf saisons entre 1945 et 1964, pour un total de quarante saisons en Ligue 1). Tout en se rapprochant durablement de ses ambitions de top 10, avec un classement final moyen entre la dixième et la onzième place de Ligue 1 depuis 2018.

En 2019-2020, sixième d’un championnat arrêté à la 28e journée en raison de la pandémie de Covid, Reims a fait son retour en coupe d’Europe à l’été 2020, 57 ans après sa dernière participation. Un retour de courte durée, puisque contraint par la pandémie à jouer ses barrages de Ligue Europa à l’extérieur, il est éliminé après deux rencontres, par les Hongrois de Fehervar.

Un come-back loin de Reims, qui a laissé Jean-Pierre Caillot sur sa faim : « Je veux revoir l’Europe à Delaune ». Ce qui serait le cas en cas de victoire face au PSG en finale de Coupe de France, samedi, avec une qualification en Ligue Europa à la clé. Ce dont rêve le président rémois : « Vu que j’ai toujours eu un amour non dissimulé pour la Coupe de France, je me dis que si l’un pouvait nous amener l’autre… Ce serait l’aboutissement d’un rêve ». Et de la reconstruction du Stade de Reims, après vingt-cinq ans de chantier. À condition de ne pas être relégué en Ligue 2 cinq jours plus tard.



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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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